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Accidents de la route : le code au cou !
Scarlett HADDAD | OLJ
Le 4 avril 2014, Dr Ouidad Hachem Akar (53 ans) est tuée par Dania Mounir Jarmakani (20 ans) qui roulait à une vitesse folle. La famille de Ouidad ne s’est pas encore remise de la perte affective et morale, mais la conductrice de la voiture s’en tire avec une amende de 150 millions de livres suite au jugement prononcé le 28/1/2015. Aujourd’hui, la famille interjette appel et souhaite un jugement exemplaire qui soit à la hauteur de l’irresponsabilité des chauffards et leur fasse comprendre qu’une vie ne peut pas être compensée par une amende. Tuer par accident est aussi un crime et cela, la famille de Ouidad ne veut pas l’oublier.
Maya et Dania sont de la même génération, mais ne se connaissent pas. Ce 4 avril 2014, Dania Jarmakani prive pourtant Maya du bonheur de dire « maman ». À qui la faute ? La fougue de la jeunesse ? L’inconscience des parents ? Le système défaillant de la prévention des accidents et de la sécurité routière ? De réponse, il n’y en a pas, ou trop. Mais elles n’empêchent pas le drame. Cette histoire pourrait paraître banale, juste un fait divers suscitant de la compassion, un vague haram apitoyé, sitôt dit sitôt oublié… Mais elle pourrait être celle de n’importe qui, celle de chacun de nous.
Ce 4 avril 2014, il est 17 heures quand Ouidad ferme sa pharmacie du centre-ville. Comme il fait bon, elle décide de rentrer à pied chez elle. Le week-end s’annonce agréable aux côtés de sa famille. Mais la mort est au rendez vous. Le coup est fatal, Ouidad succombe à ses blessures après quatre heures de souffrances et de lutte pour rester avec les siens. Lorsque son corps heurté par le bolide s’envole, sa vie le fait aussi, et avec elle, les espoirs de bonheur pour elle et sa famille. Au volant, une jeune fille de 20 ans, Dania Jarmakani, bouillonnante de vie, avide de sensations fortes, qui voulait aller au-delà de ses limites. Lorsque les deux chemins se croisent, c’est sans retour. La vie est injuste, dira-t-on. La veille, Ouidad soufflait ses 53 bougies. Elle menait une vie saine, rythmée par ses journées de travail et sa vie de mère. Une femme attentionnée et aimante, aux petits soins des autres.
Aujourd’hui, ses proches gardent d’elle le souvenir d’une femme toujours prête à soigner la moindre blessure, et c’est avec douleur qu’ils s’interrogent et cherchent à comprendre. En vain. Ouidad a été dévouée toute sa vie. Pour sa famille, son mari, ses enfants, ses frères et sœurs, la douleur est immense, la colère et la révolte aussi. Mais la famille décide de laisser la justice suivre son cours. Dania Jarmakani est arrêtée et déférée devant le juge. Elle reconnaît qu’elle conduisait à une vitesse folle et que sa voiture est montée sur le trottoir. De toute façon, le rapport de l’expert est clair sur la responsabilité de Dania Mounir Jarmakani dans la mort de la passante Ouidad Hachem. Malgré les faits indiscutables et avoués, le juge invoque les circonstances atténuantes et allège la peine de la coupable à une semaine d’emprisonnement effectuée durant sa garde à vue l’année dernière et à une amende de 150 millions de livres.
Avec ce jugement, Dania Mounir Jarmakani, qui a tué une femme, a officiellement payé sa dette envers la société. Mais pour la famille, l’injustice est flagrante.
Les familles Akar et Hachem sont sous le choc. Pour elles, c’est comme si Ouidad était tuée une seconde fois. Elles avaient fait confiance à la justice libanaise, mais elles éprouvent aujourd’hui une profonde amertume. Elles voulaient que la mort de Ouidad serve de leçon. Après tant d’autres morts aussi injustes et inutiles, cette mort aurait dû être le coup d’envoi d’un réveil des consciences. Combien faudra-t-il encore de vies perdues pour réagir ?
Pour ces familles, l’argent n’a pas d’importance et ce ne sont pas les 150 millions de livres qui vont compenser la perte d’une mère, d’une épouse ou d’une sœur. Ce qu’elles auraient voulu, c’est que la conductrice Dania Jarmakani qui a causé la mort de Ouidad soit punie par une véritable peine de prison, qui lui fasse mesurer la gravité de l’acte qu’elle a si inconsidérément accompli et des vies qu’elle a ainsi brisées.
Pour sa famille, Ouidad était un soutien inestimable. Étant l’aînée des enfants Hachem, elle a été comme une mère pour ses frères et sœurs, ainsi que pour ses neveux et nièces. Tout cet amour, tous ces espoirs, tout ce soutien ont été balayés en quelques secondes par une conductrice irresponsable qui oubliera très vite l’ampleur de la tragédie qu’elle a provoquée au sein de cette famille, parce qu’elle estimera avoir payé son dû à la société avec l’indemnité versée. Le fils de Ouidad ne peut pas supporter l’idée que la vie de sa mère pèse aussi peu aux yeux de la justice libanaise. Avec son père, son oncle Hassan et les autres membres de la famille, il souhaite une application complète de l’article 564 du Code pénal qui condamne celui qui a causé une mort accidentelle, c’est-à-dire d’une façon non préméditée et sans intention de donner la mort, à une peine allant de six mois à trois ans de prison. Pour les familles Hachem et Akar, c’est le seul moyen de mettre un peu de baume sur leur plaie car cela pourrait servir d’exemple à tous ceux qui conduisent leurs voitures comme des fous et qui ont les moyens de verser une amende pour indemniser les familles des victimes de leur inconscience.
Le nouveau code de la route ne change rien à la tragédie et à la nécessité de donner une leçon aux chauffards. C’est pourquoi les Hachem et Akar ont fait appel, et ils espèrent que les juges sauront comprendre l’importance du crime pour les familles des victimes. Une vie perdue n’a pas son pesant d’or. Elle a son pesant d’amour, et cela, c’est irremplaçable. Le frère de Ouidad, Hassan, qui a mis sur pied une fondation en hommage à sa sœur, compte, d’ailleurs, lancer une campagne dans les médias pour améliorer le code de la route et pousser les magistrats à être plus fermes dans leurs jugements sur les accidents de la route. Il y a déjà tellement de causes de morts dans ce monde qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter une, due à l’inconscience et à la légèreté.